dimanche 17 septembre 2017

Le journal de Wilfrid Betty - 01

OYÉ OYÉ

Approchez mesdames et messieurs. Laissez-vous transporter dans un nouvel univers. Un endroit unique aux effluves de barbe à papa, de bretzels géants, de maquillage bon marché, de fumée de pétards et de bêtes sauvages.

Je me présente, je m’appelle Wilfrid Betty (Ti-Will pour mes amis) et je suis un vagabond ! Ça semble étrange, mais cest la meilleure façon de me décrire. Un vagabond de métier et de pensées. Jai 9 ans et je suis un forain. Je voyage à bord dune caravane dans toute l’Amérique avec ma famille carnavalesque. Depuis ma naissance, je baigne dans des aventures plus fantastiques les unes des autres. Jai souvent pensé coucher sur papier les plus incroyables dentre elles. Comme dit Elmer, lhomme de 200 ans, le temps est un reflet sur leau. Plus je vieillis et plus il me semble impératif que je laisse une trace physique de mon existence.

« Un journal de bord » m'a dit Miki, le garçon singe, pendant quil mangeait sa ration quotidienne de maïs soufflé. Il y a trois ans, une pénurie de popcorn s’est abattue sur la région où nous étions et Miki nen a pas mangé pendant au moins cinq jours consécutifs. Il attrapa les « maux-qui-courent ». Il était convaincu que son système fonctionnait bien que grâce au grain de cette plante en C4. Il s’est juré de prendre ses « vitamines » à tous les jours sans faute.

Un journal ? Pas mal comme idée, me dis-je. Mais par où commencer ? Qu'est-ce que je dois faire, au juste ? Après quelques jours de réflexion, j'ai conclu que c'est bien beau ce qui mijote dans ma petite caboche, mais la recette parfaite n'existe probablement pas. Alors, je vais rester fidèle à moi-même et me lancer dans cette aventure, tête première !
Je me jette à l'eau !


SEPTEMBRE

Aujourd'hui, c'est un jour pesant. Pas émotionnellement, mais physiquement. Une canicule, une vraie de vraie. C'est écrasant et humide. J'apprécie quand même ces journées où tout se déroule au ralenti où tout semble mis sur pause. Les gros cumulus bien dodus sont à peine chatouillés par la brise ce qui nous donne amplement le temps d'inventer des objets dans leur forme. J'y ai vu une rose blanche, un dragon aux narines fumantes et un ourson perdant de son rembourrage. Il y en avait même un qui ressemble à Marigold lorsqu'elle virevolte sur son trapèze.

Mon rôle, en cette journée cuisante, est d'aider les responsables des kiosques de jeux d'adresse. Je m'occupe du remplissage des prix le matin puis à nouveau vers dix-sept heures. Ce qui me laisse une longue pause entre les deux. J'aime bien être occupé, mais j'adore trouver de nouvelles façons de tuer le temps. Lire la bonne aventure dans les nuages n'est qu'une idée parmi tant d'autres. Alors, aussitôt que j'ai terminé de hisser la licorne géante en peluche sur son présentoir en faisant bien attention de ne pas lâcher la corde (M. Matthew n'apprécierait pas un narval au milieu de ses canards en plastique), je me précipite à l'arrière des bannières dans la zone réservée pour les employés du cirque. Miki m'y attend, la tête en bas, suspendu par les pieds à une branche d'un saule pleureur. Il agite le sac de billes dans sa main.

— Alors ? T’es prêt ? demande-t-il.

— Je n'sais pas. La dernière fois, tu as triché et j'ai perdu ma bille météorite.

— Pffff....T’exagères. T’es mauvais perdant, c'est tout !

Miki ramène ses pieds en avant dans une pirouette de 180 degrés pour retomber debout. Puis, il me tire la langue. Au même moment, Tim le garçon aux deux visages nous rejoint. Il est notre aîné de deux ans, mais, franchement, la majorité du temps, ça passe inaperçu. Je n'aime pas beaucoup jouer avec lui, car il nous entraîne toujours dans de sales bourbiers. Il nous lance :

— Hey les gars, il faut absolument que vous veniez voir ça !

Ses yeux brillent d'une lueur maléfique et le sourire qu'il affiche n'augure rien de bon. Mais vu que Miki est curieux comme une fouine, il le suit déjà.

— Attendez-moi ! criais-je.

Je ne peux pas les laisser se mettre les pieds dans les plats. Toute opération nécessite un cerveau. C'est généralement là que j'interviens. Je les suis jusqu'à un petit ruisseau caché par plusieurs oliviers de bohème. Bick, le « pinhead », dans son costume d'oiseau, est assis sur un gros rocher et lance des cailloux dans l'eau en s'esclaffant à chaque fois qu'il s'éclabousse. Il est déjà à demi trempé. Si M. Barney, le propriétaire du cirque, le voyait, il mangerait une méga taloche derrière la tête. Afin d'éviter le pire, je m'approche de Bick dans l'optique de l'amener à sa roulotte pour qu’il s’y change et fasse sécher son costume avant la représentation de ce soir. Mais Tim est plus rapide et me saisit par le bras.

— Laisse faire cet idiot !

— Mais si M. Barney le sur...

— La ferme et suis-moi ! J'ai quelque chose qui pourrait changer notre destin !

Toujours aussi théâtraux, les enfants qui grandissent dans les cirques... Il m'attire près du plus gros des arbres, Miki sur les talons. Une fois caché, Tim lance quelques coups d'œil rapides vers le carnaval, comme si nous pouvions être suivis. Il nous expose ainsi son deuxième visage, celui à l'arrière de sa tête que l'on nomme Tom. Ses yeux globuleux passent de moi à Miki. Une fois de plus, ce dernier tire la langue. Une vraie maladie, ma foi ! Avant de connaître la réaction de Tom, Tim se retourne vers nous et sort un mouchoir en tissu rouge de la poche de son pantalon de denim. Il s'accroupit et nous fait signe d'approcher.

— Plus près. Plus près, murmure Tom.

— La ferme ! lui dit Tim

Il découvre au centre du mouchoir, un bracelet doré. Entre deux nuages, un rayon de soleil vient frapper le bijou, le faisant briller de mille feux et envisageant ses possibilités magiques. J'ai l'impression que deux neurones se touchent dans mon cerveau et je m’écrie :

— TIM ! Tu as volé le bracelet d'invisibilité de Fabrizio !

Fabrizio le fabuleux, connu sous le sobriquet de « The Fab », est un jeune magicien ténébreux possédant plus d'un tour dans son sac, surtout lorsque ça concerne de jolies demoiselles. Beau et charmeur, il envoûte même les plus sceptiques. Il a rejoint la troupe trois ans auparavant, suite au tragique accident de Damien Magie. Damien a rapidement sombré aux oubliettes, car son successeur est assurément né pour le métier. Fabrizio avait pour parents des gitans qui trempaient dans les sortilèges maléfiques. Plusieurs de ses tours prennent racine dans la magie noire, j'en suis certain. J'ai vu des symboles tracés sur les murs de sa roulotte et madame Belle, la voyante de notre troupe, m'a déjà grommelé qu'il n'est pas ce qu'il prétend être.

Tim me tire de mes pensées en me donnant un coup de pied sur le tibia.

— T'es qu'une mauviette Ti-Will ! Va donc te cacher dans les jupes de ta mère, me lance-t-il.

Puis il se tourne vers notre troisième membre.

— Alors Miky? Tu veux l'essayer? T'es pas aussi couillon que lui, non ?

Je roule des yeux. Miki tend la main vers le bracelet, mais j'interromps son geste d'une claque.

— Essaie-le donc toi, au lieu de pousser les autres à le faire. C'est toi le pissou dans l'fond. T'as sûrement pas eu peur de le voler parce que c'est pas la première fois que tu chipes des trucs aux autres... Tom surveille toujours tes arrières. Mais de mettre le bracelet et de voir ses effets, là par exemple, t’es mort de trouille!

Je sais, j'ai tendance à faire mon psychologue du dimanche, mais là, Tim dépasse vraiment les bornes.

— Ah ouin ? répond Tim d'un ton plein de défi. Où tu penses que j'étais ce matin quand les starlettes se lavaient ? Je me suis rincé l'œil pas à peu près.

Il laisse le silence s'installer un moment, le temps que les images frivoles qui remplissent notre tête fassent leur effet.

— Si vous ne voulez pas l'essayer, je le garde pour moi pis c'est tout.

Il feint de partir en remettant le bracelet dans sa poche.

— Attend ! Tu as vraiment vu les starlettes... sans vêtements, demande Miki en rougissant.

— Ouais. J'ai vu leurs nichons valser de tous les côtés, répond Tim.

Je vous explique qui sont les starlettes? D'accord ! Elles sont quinze acrobates, danseuses, chanteuses, funambules, musiciennes, jongleuses et plus. Leur numéro comprend des cascades, des pirouettes, des trampolines, des chevaux, des chiens, des confettis, des costumes aux paillettes multicolores et même quelques feux d'artifice. Les plus jeunes ont dix ans tandis que les plus vieilles affirment n'avoir que vingt-cinq ans. Elles sont toutes jolies, mais différentes les unes des autres. Chaque garçon et chaque homme travaillant au cirque ont le béguin pour l'une d'entre elles. Ce qui explique que Miki regarde Tom, la bouche ouverte, estomaquer.

Même si ma logique clame haut et fort que les propos de Tim sont une ruse, la curiosité du garçon en moi ne demande qu'à le croire.
Tim renchérit :

— J'ai entendu dire que Mircella cachait une boîte pleine d'or quelque part dans sa chambre.

— Ben là ! Franchement, si elle avait de l'or, elle n'aurait pas besoin de travailler au cirque, dis-je.

— Et elle pourrait s'acheter de quoi s'épiler la barbe! assure Miki.

— Regarde qui parle. Un garçon-singe pourrait faire bon usage d'un rasoir lui aussi, se moque Tim.

Miki lui fait une grimace digne d'un primate.

— Alors, les gars, vous y allez oui ou non ? Je sais que Mircella ne revient pas avant la fin d'après-midi. Elle avait des courses à faire en ville. On aura en masse de temps pour fouiller sa caravane en douce.

Tout à coup, sans trop savoir pourquoi, je m'empresse de répondre :

— D'accord, j'y vais... mais à condition que personne ne me prenne la main dans l'sac.

— Oui, oui, pas d'trouble, répond un peu trop vite Tim.

— Tiens, prend le bracelet, dit-il en me lançant l'objet au visage.

Il est franchement suspect. Je sens que je me suis fait avoir. Malgré tout, il me semble un peu tard pour reculer. Je demande en feignant l'innocence :

— Alors ? Comment ça marche ?

— Mets-le ? dit Miki.

— Mets-le. Mets-le, murmure Tom.

J'enfile le bracelet autour de mon poignet. C’est étrange, il est parfaitement à ma taille. J'aurais pourtant juré qu'il était plus grand tout à l’heure. J'attends qu'une sensation bizarre m’envahisse, que le son de harpe mélodieux se fasse entendre ou que des étincelles pleuvent autour de moi, mais rien ne se passe. Pourtant, lorsque je lève la tête, il est évident que ça fonctionne ; Miki se frotte vigoureusement les yeux et Tim affiche un rictus malsain.

— J'imagine que ça marche ? dis-je en contournant Miki et en lui donnant une pichenette sur l'oreille.

Il se tourne vers moi et tente de me toucher, mais je recule pour l'éviter.

— T'es où? me demande-t-il.

Je ricane.

— J'veux l'essayer ! ajoute-t-il.

— Tantôt. Bon assez niaisé. Ti-Will, on se rend chez Mircella, dit Tim.

Il se met en marche sans attendre de réponses, trainant Miki par le bras. Après quelques zigzags dans le pays des roulottes, nous arrivons à celle de Mircella. Tim me demande :

— Ti-Will, t'es là ?

Je ne réponds pas tout de suite, question de le faire marcher un peu.

— Merde, il ne nous a pas suivis, l'imbécile.

J'enlève le bracelet pour qu'il me voit. Tim me donne une « bine » sur l'épaule assez forte pour me donner envie de chialer.

— T'es con ou quoi ? Si quelqu'un te voit apparaître puis disparaître, il va se poser des questions !

Il scrute à gauche puis à droite pour s'assurer qu'il n'y a personne en vue. Tim frappe à la porte puis demande d'une voix mielleuse :

— Mircella?

Il cogne plus fort.

— Mircella, vous êtes là?

— Je croyais que t’étais certain qu'elle était partie, dit Miki en chuchotant.

Exactement ce à quoi je pensais ! Tim hausse les épaules innocemment. Il se tourne vers moi et m’envoie :

— Remets-le, entre et assure-toi de fouiller les moindres recoins1

À peine le bracelet repose-t-il sur mon poignet que Tim ouvre la porte, qui n’est pas fermée à clé, puis me pousse à l'intérieur. Je reste immobile quelques instants à l'affût du moindre bruit qui pourrait signaler une présence humaine. Excellent, tout est silencieux. J'entends Miki au travers de la porte :

— Hey ! Tu t'en vas où Tim ?

— J'reviens. Reste là toi !

— T'es nul, face de pet ! C'est certain que je vais rester pour Ti-Will, réplique Miki.

Je soupire, exaspéré de m'être encore fait mener par le bout du nez par Tim et ses foutues manigances. Au moins, je peux toujours compter sur Miki. Je m'avance tranquillement dans la pièce. Je fouillerai rapido presto puis ressortirai en leur disant qu'il n'y a pas d'or et que Tim nous a bien roulés comme d'habitude. J'ouvre la première armoire que je croise. Elle est pleine de vêtements, surtout des robes à première vue. Je la referme puis me dirige vers une coiffeuse sur laquelle sont disposées des tonnes de produits de beauté. Le tiroir central regorge lui aussi de maquillage et d'accessoires pour les cheveux. Vraiment rien d'étonnant. Et surtout aucune trace de pépites d'or. Je referme le tiroir lorsque j'entends Miki qui parle excessivement fort :

— Bonjour Mircella! Comment allez-vous aujourd'hui ?

Je me précipite dans la minuscule salle de bain et je me cache dans la douche. La porte de la caravane s'ouvre au même moment.

— Tu es vraiment bizarre aujourd'hui, Miki. Qu'est-ce que tu mijotes encore ?

— Rien, rien. Je vais rejoindre Ti-Will au ruisseau. Bonne journée ! parlant encore trop fort.

J'entends la porte claquer puis le son du verrou. Étrange, pourquoi verrouiller la caravane quand on est là et pas quand on s'absente ? Ça n'augure rien de bon. Peut-être s'apprête-t-elle à vérifier sa réserve d'or ! Les pas de Mircella s'approchent dangereusement de ma planque. Par la fente laissée entre le rideau de douche et le mur, je l'aperçois qui s'assoit à la coiffeuse. Elle avance son visage près du miroir et inspecte scrupuleusement son reflet pendant plusieurs longues minutes. Je suis au bord du désespoir. Combien de temps je vais être pris ici ? Je finalisais mon plan de passer subtilement derrière elle, de marcher sans bruit jusqu'à la porte pour sortir en coup de vent lorsque Mircella se lève. Elle soupire en examinant son corps dans le miroir. Elle déboutonne son corsage. Ah zut ! Je ne me sens pas à l'aise du tout là ! C'est que Mircella est une femme à barbe dans la trentaine, elle pourrait être ma mère, bon sang! En plus, elle me materne comme si j’étais son garçon. Je recule légèrement afin de lui laisser de l'intimité. Merde, dans quel guêpier me suis-je embarqué ? Je vais perdre mon après-midi à jouer à la statue dans une douche exiguë. Une chance que je ne suis pas claustrophobe ! C'est alors qu'une idée flippante s'empare de mon cerveau ; si Mircella se déshabille, c'est fort probablement pour se doucher! Des courses en ville pendant une journée cuisante ça nécessite un rafraîchissement. Je vais me faire prendre, c'est garanti. Je tente de refouler les larmes qui me piquent les yeux, lorsque j'entends une voix d'homme :

— C'est minable !

Quelqu'un est entré pendant mes délires sans que j'en aie connaissance ? J'en doute ! Est-ce qu'il y avait un homme dans la petite chambre depuis le début de mon exploration ? Je n'avais pas eu le temps de vérifier, la porte était close. Ça validerait l'histoire du verrouillage de porte. Curieux de voir qui c'est, je risque un coup d'œil. L'homme est de dos, nu comme un ver. Son dos est sans poil, mais ses fesses, en contraste, sont très velues. Il est debout devant la coiffeuse et l'image réfléchie dans le miroir me confirme sa masculinité. Ouch... j'en ai trop vu ! Mais de qui s'agit-il ? L'homme s'assoit, ce qui me permet de découvrir ses traits faciaux. J'écarquille les yeux. Les pensées s'enchaînent à toute vitesse dans mon cerveau sans me permettre de comprendre. Et puis, soudainement, tout devient clair. Mircella n'est pas une femme! Du moins, pas physiquement parlant. Ça explique beaucoup de choses, entre autres sa barbe fournie, mais aussi l'impression que j'ai toujours eue qu’elle cachait quelque chose sans être capable de mettre le doigt sur ce que c'était. Je n'ai jamais réellement cherché ; elle a toujours été gentille avec moi et de toute manière, au cirque, tout le monde possède des particularités. Même ceux sans talents spéciaux, ni difformités étonnantes possèdent un parcours étrange qui les a conduits jusqu'ici.

Mircella se met soudainement à pleurer, sans réserve, de sa voix naturelle, la masculine. Je me sens bouleversé ; témoin d'un lourd secret qui ne m'appartient pas. La minuscule souris recroquevillée que je suis devenue sursaute violemment lorsqu'on frappe à la porte.

— Mircella?

C'est la voix rauque de M. Barney. Mircella reste muette.

— Mircella, si tu es là, il faut absolument que tu viennes nous aider. Cristi! Y'a l'feu !

Mircella prend un mouchoir et essuie rapidement les rivières de mascara qui ont roulé sur ses joues, puis répond de sa voix douce :

— J'arrive, Barney. Je m'habille et j'arrive.

Mircella se lève, ramasse son corset et l'enfile avec dextérité. Elle remet le reste de ses vêtements puis retouche sa coiffure. Je l'entends déverrouiller la porte puis sortir à la presse.

Je reste immobile plusieurs minutes afin de m'assurer qu'elle ne revient pas. Je me sens encore sous le choc de cette découverte inattendue. Mes jambes, tout comme ma tête, sont engourdies et je dois mettre beaucoup d'effort pour me relever. J'avance, en transe, dans la roulotte, le cœur qui palpite, persuadé que cette aventure se soldera dans le malheur. J'entreouvre lentement la porte et j'observe à l'extérieur ; personne en vue. Je me dépêche de sortir, puis me dirige vers le ruisseau. J'enlève le bracelet en cours de route. Je suis exténué et ça se lit sur mon visage, car lorsque j'arrive au point d'eau, Miki se précipite vers moi et dit :

— Ti-Will ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu t'es fait prendre ? Tu es tout blême !

J'ai les entrailles qui se chamaillent, mais pas question que je raconte le secret de Mircella à qui que ce soit.

Ça va. J'ai eu chaud, c'est tout. Je pensais que vous surveilliez pour que personne ne me surprenneet Tim, tu as dit que Mircella avait des courses à faire, dis-je en colère.

Tim est de dos. Je vois Tom qui me sourit bêtement. Lorsque Tim se retourne, il arbore son sourire charmeur.

— Mais nous étions là.

— C'est faux. T’es parti à la seconde que Ti-Will est entré, rétorque Miki.

— Ouais, c'est bon, j'ai tout entendu grâce à ta voix de singe hurleur Miki. J'ai eu le temps de me cacher. Je suis resté planquer dans la douche tout le long.

— C'est quand même à cause de moi que tu as pu sortir, rajoute Tim.

— Pfff j'en doute. C'est parce qu'il y a un feu !

— Ouais. Et qui est-ce qui a mis le feu dans les poubelles, tu penses? questionne Tim le fin finaud.

— Seigneur, t'es vraiment une peine perdue ! m’indignais-je.

Des pas rapides attirent mon attention. C'est Fabrizio ! Comme si c'était possible, je sens mon teint pâlir encore plus.

— Les garçons, dépêchez-vous ! Venez nous aider avant que le feu ne se répande dans la réserve de nourriture des animaux. Surtout toi, Tim. Je sais que c’est toi qui as tout traficoté et si tu ne veux pas que je le dise à M. Barney, bouge ton cul !

Miki et Tim se dirigent vers la colonne de fumée qui noircit le ciel, tandis que moi, mes jambes semblent de plomb. Fabrizio les laisse nous devancer puis se penche vers moi et me tend la main. Je sais très bien que ce n'est pas pour que je lui donne la mienne et que nous marchions ensemble. Je lui remets donc le bracelet en prenant bien soin de garder mes yeux baissés.

— Tu sais, Ti-Will, certains secrets méritent d'être gardés.

Je hoche la tête, honteusement.

— Tu es assez brillant pour comprendre. Elmer me dit souvent à quel point tu es vif d'esprit et que tu as bon cœur, je le crois. Allez, viens !

Je rougis à mi-chemin entre la fierté et la gêne. Pendant qu'on marche, il me vient à l'esprit que Tim ne s'est pas renseigné sur les aboutissements de ma ruée vers l'or. Ça confirme que c'était une arnaque. Il a menti sur toute la ligne. Il n'a jamais vu les poitrines des starlettes. Il est impératif que la prochaine fois qu'il essaiera de m'embourber dans ses conneries, je prenne mes jambes à mon cou !





Cette histoire originale appartient à Maribel Gervais. Il est interdit de l'utiliser, l'éditer, la redistribuer ou la publier sans la permission de l'auteur.


Un gros merci à ma correctrice, Nadia Giasson, à qui je dois une nette amélioration de la qualité de mon texte.
Merci aussi à mes bêta-lecteurs, Maxime Lebrun et Micheline Tyan. Vos commentaires et encouragements sont le souffle dans les voiles de ma motivation.